Les places royales
Place de la Mairie, Grand théâtre, place du Palais, rue Nationale, rue Le Bastard.
Toute promenade commence par la place de la Mairie, l'ancienne Place royale dédiée à Louis XV. Entièrement piétonnière, c'est le coeur de la ville et, aux beaux jours, on s'y assied volontiers pour prendre un verre en terrasse: une habitude nouvelle à Rennes. C'est une vaste esplanade pavée, carrée et sereine, qui respire l'harmonie. Deux bâtiments s'y font face. Sobre et élégant, l'hôtel de ville, édifié entre 1734 et 1742 sur les plans de Gabriel, s'est voulu majestueux. Deux ailes symétriques dans le plus pur style classique, s'articulent autour de la tour de l'Horloge. Seule fausse note, la niche vide au milieu de la façade. A une première statue de Louis XV "fondue à la Révolution" succéda une allégorie de bronze symboIisant l'union de la Bretagne à la France sous la forme d'une femme agenouillée. Un véritable outrage pour les autonomistes bretons qui la dynamitèrent en 1932 à la satisfaction générale! En face, le Grand Théâtre, d'inspiration néoclassique, semble sorti du même carton à dessin, mais il ne fut construit qu'un siècle plus tard, en 1836. Illusion d'optique, l'arrondi de sa rotonde semble pouvoir s'emboîter dans la courbe de l'hôtel de ville: Millardet, l'architecte, s'est, semble-t-il, bien amusé. Sous les arcades, à côté du théâtre, la brasserie Piccadilly est un rendez-vous incontournable: ouvert 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, elle vit au rythme de la ville.
Les Rennais ne sont pas peu fiers de posséder, juste à côté, une deuxième place royale, la place du Palais - une des plus belles d'Europe, affirment-ils, Elle est dominée par l'ancien parlement de Bretagne où siège aujourd'hui la cour d'appel de Rennes, Créé a la suite du rattachement de la Bretagne à la France en 1532, ce fut le premier édifice en pierre construit dans cette ville jusqu'alors en bois. C'était en 1655. Scandé par l'hermine et la fleur de lys, il porte la signature de Salomon de la Brosse, l'architecte du palais du Luxembourg à U.IÉ et de grands artistes de l'époque. Directement venus de la cour de Louis XIV, lis illustrèrent, en habiles allégories, l'irrévocable intégration de la Bretagne dans le royaume de France' et multiplièrent les plafonds à caisson, les tapisseries des Gobelins, les boiseries et les fresques. Ils avaient noms Noël Coypel, Ferdinand Elle, Charles Errard et Jean Jouvenet. En revanche, c'est à un artisan breton, le maître-charpentier nantais Bonaventure Pelletier, que fut confié le soin de construire la charpente. Peut-être parce qu'elle n'était pas directement sous le regard des visiteurs ? Quoi qu'il en soit, le Nantais en fit un chef-d'oeuvre aux ramifications si extraordinaires qu'il fut baptisé «la forêt». Merveille aussi «la grande chambre» où madame de Sévigné voyait «la plus belle chose du monde». Symbole de l'identité politique de la Bretagne, le palais résonne encore des conflits avec l'autorité royale, les parlementaires utilisant à tour de bras leu r droit de remontrance pour marquer leur indépendance. A tel point que le parlement fut exilé à Vannes pour avoir soutenu la révolte du «Papier timbre». Sur cette place du Palais, désormais tranquille, règne la symétrie chère aux places royales de Gabriel: des hôtels particuliers percés de fenêtres à petits carreaux et coiffés de toits à la Mansart surplombant des arcades de granit. Pour copier l'élégance parisienne, on utilisa, pour les façades, le tuffeau, clair, chic, et qu'il fallait faire venir à grands frais de l'est de la France, plutôt que l'austère granit facilement disponible Louis XIV n'a pas eu plus de chance que Louis XV sur la place de l'Hôtel-de-Ville: sa statue équestre a, elle aussi, été fondue à la Révolution... A l'ouest du parlement, la ville classique a été organisée le long de deux axes perpendiculaires: rue Nationale - rue La Fayette - rue de Toulouse dans le sens horizontal, et rue d'Orléans - rue d'Estrée - rue Le Bastard dans le sens vertical; des rues larges se croisant à angle droit et qui conduisent au quartier commerçant de Rennes, entièrement piétonnier. Tout est en pierre, tuffeau ou granit, A l'angle de la rue Nationale et de la rue Le Bastard, vous êtes au coeur de Rennes. En flânant, levez les yeux. Rue La Fayette, vous découvrirez de nombreuses niches qui renferment des statues de la Vierge, en pierre ou en bois, destinées à conjurer le mauvais son. Rue de Toulouse (au n°5), un vieux panneau interdit toujours l'entrée de l'immeuble «aux voitures attelées».
La Cathédrale.
Derrière l'hôtel de ville, le quartier de la cathédrale, avec ses rues étroites, sombres et tortueuses, s'enorgueillit des plus vieilles maisons de la ville, épargnées par l'incendie, On s'y engage par la rue du Chapitre, lieu de prédilection des galeries et des antiquaires, Plusieurs époques s'y succèdent, dans le désordre, sur quelque mètres. Derrière son portail, au n° 6, l'hôtel de Blossac révèle toutes les ambitions de cette aristocratie parlementaire bretonne qui exigea des demeures dignes d'elle, à l'image du parlement de Bretagne.Mascarons en clé de voûte, escalier monumental et colonnes de marbre, le vieil hôtel du XVIIIe siècle s'est offert tous les raffinements de l'époque. C'est derrière ces murs que naquit en 1816 Paul Féval, l'auteur du Bossu, Attention, malgré leur air de famille, les maisons à pan de bois de la rue sont souvent d'époques différentes: XVIIe siècle au n' 7, XVe siècle (reconnaissable à ses encorbellements) au n°18 et Renaissance au n°22. La petite rue de la Psalette, au chevet de la cathédrale, s'enfonce encore un peu plus dans le Moyen Age. il faut venir ri, faire un tour à la nuit tombée, lorsque les lanternes découpent des ombres sur les pavés. Pour s'imprégner de l'ambiance des lieux, il faut souvent pousser les portes, comme au n° 8, pour découvrir des cours intérieures où surgissent des jardins enchantés autour d'un puits. Certaines maisons à colombage, comme celles de la rue Saint-Sauveur, vous surprendront par leurs pans de bois et leurs façades de torchis repeintes de couleurs vives. Ne criez pas au scandale: les propriétaires n'ont fait que reprendre la tradition médiévale.
Rue Saint-Guillaume, admirez la maison dite de Du Guesclin. Deux siècles séparent en fait la vie du preux chevalier et la construction de la maison, Mais, raconte la légende, c'est dans une chapelle située à cet endroit qu'il venait se recueillir avant ses tournois, Pour rester dans l'ambiance, vous pouvez encore retourner sur vos pas et flâner rue des Griffons ou rue Saint-Yves admirer un porche, une cour intérieure ou une loggia, ou encore rue des Dames qui vous mènera à la cathédrale St Pierre. Avouons-le ce n'est pas un chef d'oeuvre : détruite, reconstruite, gothique et néoclassique, elle manque vraiment d'unité.